Marcos Vaccaro et sa cachaça biologique
Du mercredi 20 mai au vendredi 22 mai dernier, se tenait le IIe Congrès brésilien de la cachaça (II CONBRAC – Congresso Brasileiro da Cachaça) à Salvador, dans un hôtel des quartiers modernes. Présent les trois jours, j’y ai, entre chimistes, agro-industriels et ingénieurs, rencontré l’une des « fiertés » des gourmets bahianais, Marcos Vaccaro. J’avais déjà évoqué précédemment sa présence, dans le cadre du marché des « dérivés de la canne-à-sucre ». Marcos Vaccaro est producteur de cachaça biologique (et donc de cachaça de alambique – type artisanal qui représente 30% du total du volume de cachaça produite au Brésil). Un producteur et un produit pourtant encore totalement inconnus du public et du consommateur.
Agronome de formation, Marcos est né dans une famille d’agro-industriels, richissimes, dans l’ouest de l’Etat de Santa Catarina il y a une quarantaine d’années. 5000 hectares, 500 employés voilà quelle était le décor du travail agricole, là. Puis Marcos est venu en 1996 à Bahia, plus exactement à Rio de Contas, à 735 kilomètres de Salvador. Et en 1998, il y a acheté 200 hectares de terres. Pour y planter des vergers et de la canne à sucre. Car il ne voulait à aucun prix recréer le modèle de fazenda-hôtel du sud du pays, des fazendeiros riches, où aucune production n’est associée à ce type de projet – qui existe aussi à long terme pour lui, ici – et où seuls sont proposés aux touristes des vues de troupeaux de bétail et des promenades à cheval.
Puis l’entreprise familiale catarinense a été vendue, en 2008, à Monsanto, l’entreprise américaine de transgéniques. L’un des quatre propriétaires, ses parents, se sont partagé les 300 millions de dollars de la vente globale. D’ailleurs, Marcos n’y trouve rien à redire et se d’éclare « athée environnemental » et trouve, comme agronome, que le « transgénique a ses avantages ».
Du total de sa propriété de Rio de Contas, seuls trois hectares sont plantés de canne-à-sucre, en agriculture biologique intégrale. Tandis que sept hectares sont réservés à trois types de fruits biologiques destinés à la vente locale – citrons/oranges, fraises et café – et à des recherches agronomiques (27 types*). Et les 190 hectares restants sont en friches.
Des trois hectares de canne-à-sucre, il tire 20.000 litres/an de cachaça, à 42%, dont 5.000 vont à l’exportation, grâce aux certificats obtenus en 2003. L’ensemble de l’embouteillage et de l´étiquetage est fait dans la propriété même, où dix personnes au total travaillent. Pour la cachaça envelhecida, le vieillissement dure un an en fûts de garapeira.
De la première cueillette, en 1998, jusqu’à celle de 2001, tout fut vendu en gros. Directement dans la région. Ses deux alambics de 460 litres chacun lui fournissent 65 litres de cachaça. Mais tout cela à un prix : l’ensemble de l’équipement a coûté 80.000 reais. De ses nombreux voyages pour faire connaître son produit à travers le Brésil, seul et en voiture particulière, il aime rappeler cette anecdote d’un distributeur de cachaça à Ribeirão Preto (SP) qui lui avoua qu’il était le premier producteur à rencontrer physiquement. Bien qu’il distribue dix-huit marques de cachaça dans son magasin.
Seule, à l’étranger, la foire BIOFACH, à Nuremberg, l’a reçu cinq années de suite, tandis qu’en France elle est distribuée par internet. Bien qu’elle fut la première cachaça biologique certifiée du Brésil, Serra das Almas n’a dégagé ses premiers bénéfices qu’en… 2008 : 15.000 reais. Depuis 2001, le fazendeiro avait perdu plus de 500.000 reais et vendu seulement… 2000 bouteilles. En 2009, les bénéfices se montent déjà à 20.000 reais. Et il est bon de rappeler qu’il a dépensé, depuis la création, hors achat des terres, la bagatelle d’un million de reais. Et Marcos sait que si le marché de la cachaça est à 90% informel, 90% des entrepreneurs qui ont une marque sont dans le… rouge, à la banque. Et rajoute même : « quand un fazendeiro investit cinquante millions de reais en marketing** pour une cachaça, il contribue directement à la fermeture de cent petites fabriques informelles et familiales. Quelques cent-quatre-vingt*** sont encore présentes dans sa commune de Rio de Contas…
* Lichee, mangue, palmito pupunha, pitanga, acerola, cerise, mûre, etc.
** Comme pour la cachaça de coluna, Sagatiba, dont la maison-mère est une fabrique de… ciment.
*** La commune de Rio de Contas compte 300 alambics pour un total de 180 producteurs. À Bahia, 7.000 alambics sont implantés pour seulement 15 à 20 marques déclarées au Ministère de l’Agriculture. 80% de ces producteurs produisent moins de 5.000 litres par an. Au Brésil, 1 millard de litres est produit chaque année quand seulement 1% (11,3 millions de litres) est exporté. Et seulement 2.133 marques sont déclarées, tandis qu’aucune appellation contrôlée (denominação de origem) n’existe.
Pour le retour dans la blogosphère, voilà un billet que j’ai dégusté comme une bonne cachaça. Saúde !