Claúdio Pereira: « Pas de survie des peuples sans solide imaginaire »
Samedi dernier, sur le thème « Patrimônio e memória », les responsables du sanctuaire (terreiro) de candomblé Ilê Axé Opô Afonjá, dans le quartier de São Gonçalo do Retiro, avaient convié quelques intellectuels pour débattre autour de « architecture et urbanisation en relation à l’environnement, documentation et accès à l’information, art et mémoire iconographique comme instruments de préservation ». Comme un avant-goût des festivités du centenaire du sanctuaire, qui seront pour 2010. Architecte comme Almandrade, artiste plastique tel Aírson Héraclito ou bien encore l’anthropologue se sont donc succédé tout au long du jour, sous l’oeil attentif du flâneur, le carnet de notes en mains.
Selon Cláudio Pereira « l’élargissement du monde afro-brésilien à une visibilité viendra des arts plastiques (photo, vidéo, etc.). Car l’image nous rejoint et nous sommes défiés par elle ». Cette affirmation le pousse à voir trois composantes en les images : mémorielle, patrimoniale et artistique. Ces concepts d’art impliquent les notions, bien sûr, de beauté et de laideur et sont inhérents à une relation avec un sujet, avec une oeuvre. « Toute cette idée fondamentale de culture vient des années 50, cette culture discursive, à partir d’un discours comme patrimoine que nous transmettons à nos enfants »… « Passer, être un passeur » voilà la tâche à laquelle nous devons nous atteler, « tâche si importante pour nous ». Car « ce patrimoine que nous évoquons est pour créer une mémoire. Rien n’est pire que l’amnésie pour l’être humain. »
« Notre peuple a besoin de récupérer du contenu immatériel du candomblé, de l’analyser aussi, et cela permettra de passer au futur ». Comment ? « Par les méthodes d’interprétation de l’iconographie, comme l’iconologie. Et cette dernière permettra de chercher l’abstrait présent en ces images ». Et le francophile anthropologue, après avoir rappelé la basique triple perception de l’image comme motif, récit et allégorie, affirme : « Il n’y aura pas de survie des peuples sans solide imaginaire ». Avant de conclure, via les écrits de Walter Benjamin, en 1931, dans sa «petite histoire de la photographie» qui rappelait la célèbre formule de l’un des chefs de file du Bauhaus, Lázló Moholy-Nagy «L’analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l’écriture, mais celui qui ignore la photographie.» À quoi, en commentaire, Benjamin ajoutait deux questions «Mais ne vaut-il pas moins qu’un analphabète, le photographe qui ne saurait pas lire ses propres épreuves ? La légende ne deviendra-t-elle pas l’élément le plus essentiel du cliché ?»
Quant à lui, un peu plus tôt dans la matinée, Almandrade n’y avait pas été par quatre chemins, pour évaluer les processus contemporains de transformation, voire de démantélements urbains, qui atteignent les adeptes du candomblé dans leur pratiques. « Les bois ont été détruits, les fleuves et rivières asséchés ». En effet, il est important de rappeler combien les adeptes du candomblé usaient les feuilles et autres décors arborisés pour effectuer, là,proche de leurs leiux de vie, une bonne part de leurs rituels religieux. Et de rappeler que 75% des terreiros de Salvador et de sa banlieue proche n’ont plus aucun jardin ou espace vert, joint au sanctuaire. « La ville n’a pas de rationalité, à partir des années 70. Et il est prouvé dorénavant que la technologie n’aide pas l’homme, bien au contraire ». Avant de prolonger sur les années 2000 en souhaitant que « la cité a besoin de penser en la notion de globalité car le spécialiste en sait chaque jour un peu plus sur un peu moins ». Ce qui intéresse l’architecte, la poétique de la ville, « disparaît et le plaisr de vivre la ville n’existe plus ». Et de finir en replacant l’humain au centre : « L’homme n’est plus traité comme un sujet dans la ville, mais comme un consommateur ».
Ayrson Héraclito, historien, est également photographe et vidéaste. Cette « vocation » lui est venue, en 1986, via l’art… culinaire. Plus exactement par l’ensemble des mets cuisinés avec l’huile de palme. Associée à trois oeuvres décisives : les écrits d’Alamdrade et les créations plastiques de Sonia Rangel et de Vauluizo Bezerra, artisites bahianais. Avec les matières organiques et le corps humain comme matière périssable, Aírson filme et saisit des plans. Avec une craitne majeure: » ne pas illustrer ces thèmes, mais créer autour d’elles comme un système de références ». Le photographe, qui a déjà exposé au sud du Brésil, a un blog et met en ligne une vidéo.
(photo © Alex Souzan : de gauche à droite, Cláudio Pereira, le médiateur Silverino Ojú et Aírson Heráclito)
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