Le vautour de l’île n’est pas celui qu’on croit (1)

urubuIlha do Urubu. Urubu en brésilien = vautour. Île du Vautour. Ancien village indien de São João Batista dos Índios, Trancoso, qui fait face à l’île, a été fondé par les jésuites en 1586. Située à 756 km au sud de Salvador, l’île, comme Trancoso, est partie entière de la municipalité de Porto Seguro pour les questions administratives.
Le 20 novembre 2006, déjà battu* au premier tour des élections de gouverneur pour 2007, le gouverneur Paulo [Ganem] Souto, considère contenues dans le très sommaire et étrange Processo de Alienação de Terras Públicas de n° 359983-3, les conditions pour concéder le Título Definitivo de Terras n° 499027, de la zone dénominée Ilha do Urubu (1), patrimoine public de l’Etat de Bahia, à des membres de la famille Martins, présents sur l’île depuis de nombreuses années. Le gouverneur « donne » ainsi l’île, patrimoine public de l’Etat de Bahia.
Quatre mois plus tard, cette famille – qui aurait dû, selon la loi*, attendre cinq ans avant de pouvoir revendre ces terres – a revendu l’île au chef d’entreprise Grégorio Marin Preciado, pour 1 million de reais, selon les écritures publiques.
Une Action Populaire, intentée contre l’Etat de Bahia, l’ex-gouverneur Paulo Ganem Souto, le coordinateur exécutif du CDA (Coordenação de Desenvolvimento Agrário) Luiz Gugê Fernandes, l’entreprise Dovyalis Participações SA,  les chefs d’entreprise Philippe Ghislain Meeus et Gregório Marin Preciado, et d’autres petits propriétaires, est en cours depuis le 4 septembre 2009, dans les tribunaux de la République brésilienne. L’avocat du plaignant Rubens Luis Freiberger, Maître José César Oliveira, affirme que Preciado aurait reçu, tenant compte de procès civils au Tribunal de Porto Seguro, d’une escalade d’agressions verbales, de menaces de mort, d’attaques dans la presse locale avec la famille Martins, la somme de cinq millions de reais pour désister futurement, de toute nouvelle demande de possession de ces terres avec la famille Martins.
Un an environ après cette vente, selon l’avocat Oliveira, la famille Martins a vendu à un spéculateur et chef d’entreprise belge, Philippe Ghislain Meeus, l’île pour 12 millions de reais. Une activité qui ne correspond en rien à celle exigée par la loi 3.038*** qui régule la mise à disposition de terrains publics : « d’une personne juridique aux fins non lucratives, impliquée en initiative d’intérêt social »
À l’heure ou ces lignes sont écrites, des techniciens de la Coordenação de Desenvolvimento Agrário (CDA) sont sur l’île pour de nouvelles expertises. Ce même CDA fut précédemment actionné pour valider les actes signés par Paulo Ganem Souto… L’important reste cette information : un gouverneur en exercice a DONNÉ une île, de son État et donc patrimoine public, à une personne privée.

paulosouto3(1) Au 7 octobre au soir, le flâneur n’a réussi, encore, à connaître ni la superficie de l’île ni la longitude et la latitude à laquelle elle se trouve. Mais de par la « loi 3.038 » utilisée par le gouverneur, elle semble ne dépasser 100 hectares, soit 1 million de m2 ou bien encore 1km2. À titre d’exemple, le Vatican, en Italie, fait 0,44km2.
* Le 1er octobre 2006, Jacques Wagner (PT-PMDB-PCdoB-PSB-PPS-PV-PTB-PMN-PRB), fut élu avec 53,01% des votes validés contre 42,85% pour Paulo Souto (PFL). Le nouveau gouverneur ne prit son poste que le 1er janvier 2007. Entre ce 1er octobre 2006 et le 1er janvier 2007 le battu, qui terminait là son deuxième mandat de gouverneur(1994/1998 et 2002/2006), les mains libres, a également, selon le député fédéral Emilinao José (PT), autorisé la concession de dix-sept terrains de l’Etat, tandis que des organismes publics décentralisés ont donné douze immeubles et mille quarante-trois véhicules. Il permit aussi l’inscription de cent cinq entreprises à une exemption d’impôts (programmes Desenvolve et Probahia). Paulo Souto amenda également les politiques d’environnement, via trois cent-vingt huit nouveaux contrats ou additions de contrats, ce qui représenta environ cent soixante millions de reais de dépenses. Tous ces actes ont été publiés au Journal officiel (DOE), la plupart du temps sans les précisions obligatoires.
** Lei n° 3.442, de 12 de dezembro de 1975. « Art. 3º –
Respeitado o limite estabelecido no artigo 108 de sua Constituição, o Estado assegurará, gratuitamente, o domínio, outorgando o respectivo título de propriedade, salvo impedimento legal à aquisição: … I – de área contínua não superior a cem hectares, ao ocupante de terras devolutas, que não seja proprietário de outro imóvel rural e que as tenha tornado produtivas com seu trabalho e o de seu conjunto familiar, desde que comprove posse mansa e pacífica, morada e cultura efetivas, por mais de cinco anos, e capacidade para desenvolver a área ocupada.
*** Lei n° 3.038, de 10 de outubro de 1972 ?, no § único, do Artigo 12. « A concessão gratuita de terras públicas dependerá de Lei Especial e somente será admitida com a cláusula de reversão em benefício de pessoa jurídica de fins não lucrativos, empenhada em iniciativa de interesse social. »

(photo D. R. : Paulo Souto entre Antônio Carlos Magalhaes (D) et César Borges (G), ex coronel tout-puissant de Bahia et ex gouverneur de Bahia. Deux personnes  connus de longue date pour leurs méfaits par les lecteurs de ce blog).

philippemeeusphilippemeeus3En 2008, le Belge Philippe Ghislain Meeus (à gauche, sur la photo de gauche) et sa femme, française, chef d’entreprise et  avocate, Emmanuelle Meeus de Clermont-Tonnerre  (les deux premiers à gauche sur la photo de droite) ont inauguré l’hôtel Insólito Boutique Willness & Hotel, qui donne sur la plage de Ferradura, dans la station balnéaire de Buzios, dans l’Etat de Rio de Janeiro. Emmanuelle Meeus de Clermont-Tonnerre (34 ans) et son mari (59 ans) sont  donc propriétaires de cet hôtel,Insólito Boutique Willness Hotel, bâtisse aux douze vastes chambres, réformée par  l’architecte Otavio Raja Gabaglia puis par son collègue Luiz Fernando Grabowsky. Le jour de l’inauguration, en 2008, figurait parmi les invités la belle-soeur de François Mitterand, Arlete, qui vient régulièrement à Bahia…
Philippe Ghislain Meeus, à qui on attribue la propriété de trente-cinq véhicules de la marque  Ferrari, est par ailleurs actionnaire majoritaire*, et CEO partner, du trading d’éthanol Alcotra – partie intégrante du gigantesque groupe belge Alcogroup – présent au Brésil depuis une vingtaine d’années, où ils ont pour partenaires, entre autres, la sociétéBrazil Agro Industrila Tabu S.A. Il est utile de noter que le nouvel administrateur de la société Alcotra, à Genève (Suisse), pourtant regroupée autour de nombreux membres de la famille Meeus, est un brésilien, Mariano Marcondes Ferraz, descendant d’une des plus  grandes familles de Rio de Janeiro. Direct (fils, Carlos) ou indirect (petit-fils, Cláudio) de « Dulce », Maria Dulce Saboia de Albuquerque Fiuza Marcondes Ferraz, le flâneur cherche à le savoir. (photos D. R.)
* Parmi les actionnaires minoritaires, EDF Energies nouvelles, filiale de Electricité de France (EDF).

preciadoGrégorio Marin Preciado (au premier plan, sur la photo ci-contre) n’est pas un inconnu de la carte politique du Brésil. Espagnol et naturalisé brésilien, marié à l’une des cousines* de l’actuel gouverneur de l’Etat de São Paulo et candidat à l’élection présidentielle de 2010, José Serra, il a vu son nom cité dans des dizaines de scandales financiers, d’opérations scabreuses et frauduleuses depuis une vingtaine d’années. Il est lié à Ricardo Sergio de Oliveira qui fut directeur de la Banco do Brasil puis financier des campagnes électorales pour la présidence de la République de Fernando Henrique Cardoso et, déjà, de José Serra. Tous liés au PSDB, parti conservateur. En 2007, Grégorio Marin Preciado, alors propriétaire de l’île du vautour, selon l’avocat José César Oliveira, répondait à une action pénale du Ministère public fédéral pour une dette de 55 millions de reais, qui fut « pardonnée irrégulièrement » par la Banco do Brasil. Au moment de la dispute avec la famille Martins, Preciado obtint pourtant un nouveau crédit de 5 millions de reais auprès de la même banque, donnant comme garantie… l’île du Vautour !
* Vicencia Tala Marin.

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