Rimbaud: tous les figurants de la neuvième photo identifiés

João Gilberto, auteur compositeur interprète, bahianais et fondateur de la bossa nova, n’a composé, à ce jour, que treize chansons.

Arthur Rimbaud, le poète, n’a laissé de traces visuelles certifiées authentiques qu’en neuf photos.
À l’occasion de l’identification totale des sept présents de cette dernière photo prise en août 1880, sur le perron de l’Hôtel de l’Univers à Aden, désormais authentifiée,  et donc connue cent trente ans plus tard,  nous quittons donc exceptionnellement le Brésil – mais pas totalement, comme vous allez le découvrir – pour un saut continental qui nous emmène au Yémen.

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Debout, à gauche, le fringant matamore moustachu est l’explorateur Henri Lucereau, chargé par le gouvernement français de découvrir la source d’un affluent du Nil bleu – il mourra dans deux mois sous les lances d’indigènes, à quelques jours de marche de Harar.

L’autre homme debout s’appelle Louis Bidault de Glatigné, commerçant-photographe. S’il lance un regard comblé à la femme assise à la gauche de Rimbaud, c’est qu’il s’agit de son épouse. Le vrai nom du photographe était Édouard Joseph Bidault de Glatigné de La Touche (1850-1925).

Augustine-Emilie Porte (épouse Bidault de Glatigné) enceinte de six mois. Bientôt, elle va le quitter pour un bel aventurier italien, Pietro Felter, lui aussi ami de Rimbaud. Elle est à l’extrême droite, assise, sur la photo.

Devant Lucereau, l’élégant barbu aux richelieus bicolores est Maurice Riès, ambitieux comptable promis à diriger la maison de négoce Tian à Aden.

A ses côtés, le barbu guindé est Georges Révoil, intrépide explorateur de la corne de l’Afrique. Grâce à André Gunthert, un expert de la photographie au XIXe siècle, les Libraires associés ont la certitude que c’est lui qui a cadré l’image avant de courir se placer devant l’objectif. Le cliché a en effet la particularité d’avoir été réalisé grâce à une nouvelle technique instantanée – le gélatino-bromure d’argent – dont Révoil se félicite dans sa correspondance d’avoir fait l’acquisition à son départ de France. Un procédé ultra-moderne encore inconnu à Aden. Au cours de leurs recherches, les libraires ont même retrouvé la facture du matériel apporté par Révoil. Georges Révoil est né le 24 janvier 1852 à Nîmes. Voyageur, explorateur de la corne de l’Afrique, photographe puis vice-consul, honoraire, de France au Costa-Rica, au Pérou, au Paraguay, puis consul au Brésil, dans l’Etat du Pernambouc, où il est décédé en août 1894 à l’âge de 42 ans. Avant de s’embarquer le 25 juillet 1880 pour Aden, il avait fait l’acquisition de plaques photographiques, dernier cri, au gélatino-bromure d’argent, achetées auprès de la maison Jules Rigaut à Marseille. Avant de partir le 12 septembre en exploration sur la côte africaine pendant dix mois, le 25 juillet 1880, Georges Révoil s’embarquait à Marseille, sur le navire Peï-Ho des Messageries maritimes, à destination d’Aden, où il prit pied le 7 août. Chargé, par le ministère de l’Instruction publique, d’une mission scientifique et géographique dans ce pays somali qu’il allait parcourir pour la seconde fois, il avait emporté un matériel photographique flambant neuf, qu’il comptait tester en réalisant de nombreux clichés à Aden. Il fut accueilli dans la ville par Jules Suel, qui lui fit naturellement visiter son hôtel, et écrivit par la suite à la Société de géographie de Marseille, laquelle publia son récit dans son bulletin trimestriel: « Je séjourne un mois dans cette ville, où je reçois le meilleur accueil de notre agent consulaire, M. Delagenières [sic], et des résidents et sous-résidents anglais, MM. Godfelow [sic] et Hunter, ainsi que de l’honorable M. César Tian [le futur associé de Rimbaud] et de tous nos compatriotes. J’utilise mon séjour à Aden à faire de nombreux essais photographiques ». En ce mois d’août 1880, le 28, il écrivait de là à Henri Duveyrier, secrétaire de la Société de géographie de Paris, qu’il « se félicit[ait] beaucoup de l’emploi du gélatino-bromure de M. Rigault [sic], de Marseille ». M. Révoil s’était donc embarqué pour Aden avec les plaques photographiques qu’il s’était procurées auprès de la Maison Jules Rigaut, sise au 37, rue Vacon, à Marseille, et dont des réclames de l’époque vantent les « plaques au gélatino-bromure » (Rigaut est l’auteur d’une monographie intitulée La Photographie pratique à l’usage des débutants traitant le procédé au gélatino-Bromure d’argent). Sur Georges Révoil, né en 1852 à Nîmes (France) voir Numa Broc, Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIXe siècle, tome I, Afrique, Éditions du CTHS, 1988; Antoine Lefébure, Explorateurs photographes, La Découverte, 2003 ; Marie-Hélène Degroise (http://photographesenoutremerafrique.blogspot.com). Des photographies prises par Révoil figurent dans Olivier Loiseaux (dir.), Trésors photographiques de la Société de géographie, BnF-Glénat, 2006. Négatifs sur verre/plaques sèches au gélatino-bromure d’argent. L’une des plus anciennes photographies françaises conservées utilisant ce procédé est le premier cliché connu d’Albert Londe, qui est présenté exactement au même moment (le 6 août 1880 !) à la Société française de photographie. Réalisée avec un temps d’exposition de quatre secondes, il est affecté par un flou de bougé identique (cf. André Gunthert, «La conquête de l’instantané. Archéologie de l’imaginaire photographique en France, 1841-1895», thèse de doctorat d’histoire de l’art, sous la direction de Hubert Damisch, EHESS, 1999, p. 235). Plus tard, Rimbaud a utilisé cette même technique, qui a marqué un progrès décisif dans l’histoire de la photographie car elle a permis de réduire le temps de pose. Rimbaud avait commandé un appareil photo à Lyon dès janvier 1881 mais ne l’avait reçu qu’en mars 1883.

Le fumeur de cigare, assis au centre, portant babouches et costume à carreaux, est Jules Suel, propriétaire de l’hôtel de l’Univers, à Aden.

A droite de ce dernier, Rimbaud, qui résida à diverses reprises à l’Hôtel de l’Univers, et où il se fit parfois adresser son courrier.

Patrice Beray raconte ici:

http://chezleslibrairesassocies-rimbaud.blogspot.com/2010/09/rimbaud-plonge-dans-le-revelateur.html

août 2012 : tous derniers rebondissements, sur l’identité du barbu situé à gauche de la photo: le mystère s’épaissit :
http://abardel.free.fr/iconographie/afrique/hotel_de_l_univers.htm

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