Genaro de Carvalho, mille fusées « gromairiennes »
Il y a une femme qui a aimé. Nair de Carvalho fut la compagne, vingt ans durant, du peintre Genaro de Carvalho (1926-1971), jusqu’à sa brutale disparition. Après quarante ans d’imbroglios de droits d’auteurs et d’éparpillement d’oeuvres, la première rétrospective* de Genaro voit le jour, grâçe à elle, pour une grande part. Venues de dizaines de possesseurs, enfin réunis en ce Museu de Arte Moderna da Bahia, des centaines de pièces nous entraînent vers la joie. La « grande palette de couleurs » fuse, où la faune et la flore nous enlacent à tout instant. Dès les années quarante, le peintre s’essaya à une phase figurative de paysages marins bahianais, puis, influencé par les œuvres de Marcel Gromaire et autre Jean Lurçat, bascula dans une ode au modernisme, conscient de l’académisme artistique qui enserrait alors Bahia. Question de génération, au côté de Mario Cravo Junior et de Carlos Bastos, Sante Scaldaferri et bien d’autres. A francesa de Brugges, en 1960, par exemple. Surgirent alors tapisseries gigantesques, collages, dessins au trait de la Femme, nue le plus souvent, tout est prétexte à guider notre œil vers les floraisons de la vie même. Qu’il s’agisse de peindre un mur – hélas détruit – de 44 mètres de long du plus chic des hôtels d’alors, ou de caresser avec l’huile, en une quinzaine de grands tableaux, la Femme, le défi était permanent pour Genaro.
Ce vendredi 3 décembre au soir, lors du vernissage, allant et venant de par les salles d’exposition au devant de toutes et tous, Nair, que l’on croise d’ordinaire en ville de sombre habillée, n’était que de blanc vêtue.
* Dans le Museu de Arte da Bahia, situé Corredor da Vitória, où il occupe une villa du XIXe siècle, que l’on appelle aussi du nom de l’un de ses anciens propriétaires, Cerqueira de Lima, qui fut traficant d’esclaves. Un temps palais du Gouverneur, la bãtisse fut réformée en… 1925.
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– Un film, réalisé pour la Rétrospective, en novembre 2010, est projeté. La réalisation est de Nair de Carvalho et Roque Araujo (oh ! Roque, que serait la mémoire du cinéma à Bahia sans toi !). Le montage est de Roque Araujo (durée initiale des filmages de Alonso Rodrigues, dans les années soixante, en 16 mm : 10 minutes). Voix off : Genaro de Carvalho. Des extraits de « Bahia, por exemplo » de Rex Schindler, et des photos de Genaro, entre autres avec le peintre Candido Portinari et l’anthropologue Vivaldo da Costa Lima perlent ce film de 18 minutes.
– On peut déplorer légitimement l’absence totale de légendes et de références pour les quelques trois centaines de documents (photos, coupures de journaux, esquisses de l’auteur, livres, etc.) qui sont présentés sous une trentaine de vitrines horizontales. Une faute grave de la commissaire.
– Un beau petit livret de 16 pages « Genaro de Carvalho – de Memória » au même titre que l’exposition, bien coordonné par Ana Paula Vargas, propose une analyse en rien académique de la commissaire (« Leituras e entrelinhas da trajetoria de um pioneiro ») et un témoignage (« Lembrança de Genaro de Carvalho ») de Mario Cravo Junior, son contemporain. Une réussite.
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