Florival Oliveira: « Je cherche à comprendre ce que doit être le moderne »

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photo Florival Oliveira

1962.  Florival, dix ans d’âge, coupait déjà des parallèpipèdes avec son père. « Mon père me montrait le bois et le travail du bois, mon premier travail, en 1964, s’effectua avec un petit tronc d’umburana » Où ? À Riachão do Jacuipe, petit monde rural, d’alors 3.000 habitants, à cent-quatre-vingt kilomètres au nord de Salvador. Par sa mère, fille de vacher, et par son père, Florival a toujours eu, ainsi, une proximité d’initiation « avec le contexte des parcs à bestiaux et l’art d’élever le bétail ». Surtout dans cette région du sertão, au sol salin, qui « est notre réalité, plus précisément l’agreste, le semi-aride, la région de la Vale do Jacuipe, qui rejoint plus loin le fleuve Paraguaçu ».
Le grand-père est fermier et vacher, « Antônio da Boa Sorte », qui donne le nom de la propriété familiale, et a déjà une voiture. Tandis que le père, Florival Carvalho, géographe, qui fut élève  dans les années 40  d’un peintre renommé – Presciliano Silva – aime également photographier et a monté son propre sudio, en 1975, dans la propriété familiale. « Mon père organisait l’espace pour son travail et j’étais impliqué dans toutes les manifestations d’artisanat ». Dans la bibliothèque de son paternel, il est fasciné par les revues d’art, qu’il dévore, et par « l’expression des visages dans les reproductions de tableaux de Modigliani ». Très curieux, il y passe des heures, entre autres avec la revue Habitat.
L’atmosphère villageoise s’étire entre artisanats – cuir, bois – et traditions populaires : cinéma en plein air, cirques, philarmonies, repetentistas, tziganes, animent les fins de semaines de Florival. Un film se tourne dans les alentours du village, « O Caipora », de Oscar Santana, en 1963; bien sûr, Florival se rend sur le tournage : « le contexte dramaturgique du film présentait de grandes similitudes avec notre contexte culturel et celui qui n’avait pas les clés de ce contexte était exclu de la société ».
Alors que son père a quitté ce monde en 1972, Florival arrive à Salvador à l’âge de 23 ans. Années de dictature. « J’ai expérimenté, là, toutes les possibilités de l’art ». Moments de lutte étudiante aussi. Et Théâtre au Goethe Institute (ICBA) – où il connaît le cinéaste Araripe et toute sa génération, dont la future directrice du MAM, en 2007/2010, Solange Farkas, alors jeune attachée de presse du festival de cinéma Jornada ou bien encore le producteur de cinéma Zelito Vianna – « mais j’étais intraverti et je parlais très peu ». Dessin à l’Escola de Belas Artes de l’université fédérale, où il rencontre un moniteur qui l’emmène faire des dessins de modèles, et « là, j’ai compris le geste, l’action ». 1978, donc. Florival montre une grande habileté avec le dessin, mais continue parallèlement des gravures, la photographie, et d’aller au cinéma. » La personnalité et le travail d’Hélio Oiticica – alors quasi inconnu dans cette Escola de Salvador – le fascinent et Florival travaille et créée des œuvres à partir de feuilles de journaux. Quelques années plus tard en 1986, il fera une exposition individuelle à l’ICBA, avec cette matière.
Avec tous ses amis , le moment est toujours à la lutte contre la dictature, via le mouvement étudiant. Le congrès national de l’union nationale des étudiants (UNE) a lieu à Salvador en 1979. Souvenir fort pour Florival, pour toutes les amitiés soudées là. Et la joie de voir défaite l’armée…
De 1980 à 1985, viendront l’étude approfondie de la gravure lithographique, de la gravure sur métal, puis de celle sur bois. Mais Florival veut alors surtout « revenir au passé, à la réalité rurale, où vivent les noirs, les blancs, les métis, les indiens » et « rencontrer une réalité nébuleuse ». L’artiste sait qu’il s’est « forgé » là, à Riachão do Jacuipe. Et souhaite ardemment « se concrétiser, s’affirmer avec ces questions, frontalement ». Ce début des années quatre-vingt le voit intégrer l’équipe de professeurs du Musée d’Art Moderne, grâce à des amitiés construites durant ce moment de lutte. L’y côtoient comme enseignants, déjà, les artistes Almandrade, Vauluizio Bezerra, Caetano Dias…

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autoportrait de Florival Oliveira

L’année 1988 le verra enseigner son art, volontairement, à la prison de Salvador – Lemos de Brito, dix semaines durant. Dans le cadre d’un projet – Teje Solto – dirigé par Antonia Adorno. De retour chez lui, il peindra,  en 1989, parmi d’autres tableaux, «A viagem de uma morte matada », à partir de la technique tempera*. L’ensemble sera exposé à l’ICBA en 1993, et Florival enverra un book photographique de cette mostra en France, pour des galeristes. Sans suite.
1991… Trente ans après, il reprend la sculpture sur bois, et s’évertue « à creuser, à retirer la matière ». En 1993, une exposition à la galerie de l’école ACBEU avec 21 sculptures des trois dernières années, ainsi qu’une autre exposition dans le terreiro de candomblé Ilê Axé Opo Afonja, naîtront. « Travailler avec la gouje, le marteau » le fascine chaque jour un peu plus. Parallèlement à l’enseignement, Florival étudie de nouvelles techniques, telle le tempera*, 11 tableaux seront exposés au début des années 2000, encore à l’ICBA, lors de l’exposition collective « A pintura baiana ».
2002. Le galeriste Paulo Darzé croit en Florival et devant la « majestuosité » de ses œuvres, les intègre à son fonds. Il lui offre ainsi une place sur le marché de l’art brésilien, et depuis lors, Florival fait partie de la petite demi-douzaine d’artistes sous contrat permanent avec la galerie Darzé.
Année 2007. La direction du MAM change, et la nouvelle directrice, Solange Farkas, nommée par le nouveau secrétaire d’Etat Marcio Meirelles, décide de licencier douze des dix-huit professeurs… Florival retrouve, ainsi, son Riachão de Jacuipe… Mais la passion pour la sculpture n’est en rien altérée, dopée par ses ventes via la galerie Darzé. « Vous prenez le chaos et vous l’organisez ». « Cela donne la Meia Lua. Etudier la brûlure du sisal permet d’entrevoir des structures pour le chanfrein», me confie Florival. « C’est une autre réalité artistique, avec le principe de la demi-lune et cela renvoie aux hélices de barrils, de canots, d’arcs. » Pour « rencontrer la projection de ces formes » Florival Oliveira remarque qu’il est possible d’ «effectuer une lecture du travail de l’artiste, ainsi, par les mathématiques, la physique, à travers la forme ».

* Poudre mêlée à du pigment, travaillée à sec, à laquelle se superpose une couche de colle. L’artiste dispose alors des journaux sur l’ensemble et les retire.

– 1 tableau (tempera vinil sobre tela – 2,50 m  x 1,60 m) de Florival Oliveira est intégré au fonds du MAM de Bahia.
http://florivaloliveira.blogspot.com/

http://www.paulodarzegaleria.com.br/agosto.htm

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