Carlos Vergara : « L’art peut insuffler la sensibilité aux êtres humains »

vergara2Il a fallu prendre trois petits kombi, à partir du Largo do Machado, pour se rendre dans l’atelier du peintre Carlos VERGARA. Tout en haut du quartier de Santa Teresa, sur la « place des neiges » (Largo das neves), sur les cimes de l’un des nombreux morros de Rio de Janeiro. Ce Brésilien, qui a exposé dans le monde entier – plus de cent-quatre vingt mostras individuelles ou collectives – dont une grande mostra individuelle* au MAM de Rio de Janeiro, est aussi architecte. Assez jovial lors de notre conversation, il nous dit transformer et adapter petit à petit, en cet hiver brésilien, son immense atelier et galerie. Il nous y a reçu, la dernière semaine de mai 2011. Un lieu où il travaille depuis dix ans, derrière de hauts murs, dans un espace gigantesque, sur plusieurs niveaux, qui surplombe, à l’horizon lointain deux favelas, fait également face au Corcovado et offre aussi à notre regard l’espace vide de l’ancienne prison Frei Caneca, qui fut détruite récemment.  De cette implosion, il a fait une oeuvre d’art, qui cherche à dépasser la notion « d’art pour l’art ». Liberdade est exposée dans le Parque Lage, tout près du Jardim Botânico.

Exposition au Parque Lage. « C’est un sujet qui devrait intéresser tout le monde, dans le public concerné par l’art. Lors de l’inauguration, un grand avocat, Nilo Batista, est venu ainsi que Tercio Lins e Silva, avocat défenseur de nombreux prisonniers à l’époque et la sociologue Vera Malaguti Batista. Ce débat fut utile pour penser plus en profondeur sur le sens de la vie. Depuis qu’il est devenu une école des Arts (EAV), je fréquente ce lieu, le Parque Lage, très souvent. La première idée, ce fut de créer un poème visuel à partir de ce drame de la prison. Ce fut le mouvement de mon action artistique. La seconde est que l’art peut être beaucoup plus que simplement une oeuvre qui plaît (obra de fruição), elle peut alors accomplir une autre fonction, rendre les personnes plus sensibles. Car en notre monde d’aujourd’hui, énormément de gens ont un minuscule appétit intellectuel. »
Penitenciária da Frei Caneca. « De nombreux prisonniers qui furent internés là furent de grands idéalistes, des communistes, pendant la dictature. Mais cette prison a été construite en 1835, à l’époque où Rio de Janeiro était le siège de l’empire portugais. Le Complexo Frei Caneca a d’abord reçu les rebelles de la Revolta dos Malés, à Bahia, en 1835, et a même été construite pour cela ! Les pouvoirs ont continué de laisser vive la mémoire de ce lieu d’enfermement pour enfermer les pauvres et les noirs ».

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Travail. « Mon travail est souvent le résultat d’impulsions à partir de sujets concrets. Ce travail, exposé dans le Parque Lage, je l’ai pensé et effectué en fonction de ce sujet là, l’implosion de la prison. Ma manière (procedimento) d’exercer mon art est totalement liée avec le sujet que je suis en train de traiter. J’ai gagné un edital de l’Etat de Rio de Janeiro. J’ai commencé à travailler en mars 2010. Mais j’avais déjà pris auparavant beaucoup de photos, car la photographie est depuis toujours une partie intrinsèque d’appui à mon travail d’artiste. Les oeuvres externes aux salles d’exposition et internes relèvent de techniques bien différentes. Pour les tableaux, je viens plaquer des formes métalliques ou de bois qui faisaient partie de la prison, couvertes préalablement de pigments, sur des toiles, et c’est par le(s) décollage(s) de ces formes sur les tableaux que j’obtiens ce que je souhaite. Nous les appelons monotipias, au Brésil ».

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Marché. En ce vingt et unième siècle, le Marché accomplit une très mauvaise fonction. Au Brésil, un visionnaire comme Bernardo Paz, dans l’Etat du Minas Gerais, Inhotim, essaye d’élever la barre très haut, bien solitaire. Il possède une demi-douzaine de mes oeuvres.  Mais les marchands brésiliens, aujourd’hui, sont rarement courageux. Paulo Darzé**, à Bahia, y fait exception et compte parmi l’un des vingts marchands, au Brésil, dotés d’une trempe exemplaire. ».
Hélio Oiticica. « J’ai connu Hélio Oiticica, adolescent, au Musée d’Art Moderne à Rio de Janeiro, où il montra pour la première fois Tropicália. Nous nous sommes rencontrés ensuite à New York, où j’ai cotoyé également Miguel Rio Branco. J’ai été influencé par son travail au sens où nombreux de mes tableaux sont solaires. Lorsque j’avais organisé la mostra « Exposição » en 1972, au MAM de Rio, Hélio m’avait envoyé son projet Filtro« .
Paris. « J’adore l’espace de la Fondation Cartier. Mais je n’y ai malheureusement jamais exposé… Au début des années 70, j’ai exposé dans les locaux de la VARIG, appelé par des architectes brésiliens pour repenser les bureaux situés sur les Champs-Elysées. Quelque temps plus tard, j’ai exposé, dans les bureaux de la même compagnie, situés alors rue Auber, des oeuvres faites avec du papier découpé. Et dans l’espace Air France, à la fin des années 70, plusieurs de mes tableaux ont été exposés, mais peu de temps. En cette année 2012 qui vient, j’aimerais exposer dans le Marais, dans un lieu bizarre, un espace qui me semble rassembler sociologiquement les arts visuels. Il se situe près du Musée Picasso. »

http://www.carlosvergara.art.br/novo/pt/exposicoes/liberdade/

* Du 12 novembre 2009 au 14 mars 2010. A résulté de cette exposition, intitulée Carlos Vergara: a dimensão gráfica – uma outra energia silenciosa, un magnifique album.
** C. Vergara a exposé en 2009 dans la Paulo Darzé Galeria de Arte. Un catalogue a été édité.

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