Rio de Janeiro, cidade maravilhosa, vacance oblige (13)

zelito1Zelito. Son surnom suffit pour l’identifier. Il est de la génération de Glauber Rocha. Metteur en scène de cinéma et producteur, Zelito Viana fut, entre mille activités, le producteur de Terra em Transe. Il est au coeur de la production brésilienne depuis le début des années 60. Samedi 4 juin dans la matinée, il nous a reçu sympathiquement, dans sa maison entourée d’arbres où virevoltent de grands singes, dans le quartier de Cosme Velho, au fond d’une impasse, presque au pied du Corcovado. Pour dresser un état du cinéma au Brésil, dans une conversation en français sans le moindre accroc. Zelito, l’ami indéfectible des saudosos Glauber Rocha et Leon Hirzmann, sans oublier le dramaturge Augusto Boal*, ce sont cinquante années de vie quotidienne pour et par le cinéma et les arts, autour de sa société Mapa Filmes, et des dizaines de courts et longs métrages produits et/ou mis en scène. Quelques heures plus tard, celui qui est également l’un des actionnaires avec l’empire O Globo de la télévison privée Canal Brasil partait pour… Bahia, qu’il « aime tant ».

Depuis 1965, en quoi les conditions de production ont changé?
Tout a changé ou presque. Aujourd’hui les tax shelters envahissent tout. À l’époque de Terra em Transe, produit pour 90.000 dollars avec nos moyens propres, c’était un film très cher. Pour faire le même, il faudrait en 2011 au minimum 3 millions de dollars. Les coûts du cinéma brésilien sont les mêmes, du même standard, que ceux du cinéma européen, en 2011. Depuis l’époque du président de la République Itamar Franco (octobre 1992-janvier 1995), c’est évident. C’est bon pour le cinéma, les gens sont formés, il ya beaucoup d’écoles. Mais on a perdu la compétitivité, aujourd’hui.

Quelle est la situation de la distribution des films brésiliens au Brésil et en France et en Europe?
Les compagnies américaines distribuent les films brésiliens. Ceux qui sont standardisés et produits pour la classe moyenne brésilienne. En France, c’est fini. On ne vend plus les films brésiliens là-bas. Avant dans les années 60-70, on pouvait produire en recevant une avance du distributeur français ou européen, avant même le tournage. C’est fini. Ni avant, ni même après, les accords avec les distributeurs existent, en 2011. Tous les cinémas nationaux ne sont plus projetés. Un film allemand n’est plus montré à Rome, par exemple. Dans les années 70, un film avec succès avait trente copies analogiques entre São Paulo et Rio de Janeiro. Aujourd’hui, ce sont mille copies !

Les producteurs d’aujourd’hui ont-ils une culture littéraire, une grande érudition polyglotte, comme vous-même ?
Je ne sais pas. Il y a un peu de tout. Nous sommes dans le vague. On ne connait pas le futur. Avec une simple petite caméra de la taille d’une boîte de cigare, on peut filmer avec la qualité Citizen Kane, en 2011. Attendons pour voir.

Depuis 1966, la réception critique de vos films a évolué  au Brésil et en France ?
C’est très simple : on n’a plus de critique de cinéma tout court. Les critiques sont une espèce en extinction. Dans les revues, les journaux, la forme décide de tout. Le contenu a disparu. C’est un désert total.

Les médias évoquent une « reprise » (retomada) du cinéma brésilien depuis l’arrivée du gouvernement Lula. Qu’en pensez-vous ?
Le cinéma brésilien, maintenant, ce sont des phrases comme « le cinéma des incitations fiscales ». L’argent vient d’on ne sait où, du secteur marketing des entreprises, des influences politiques. Pas de compromis avec le public, pas de compromis avec la multinationale ou la grande entreprise qui défalque de ses impôts la somme qui nous est allouée. Il reste quelques bons films brésiliens, des voyages personnels venus d’individualités fortes, comme Cinema, Aspirinas e Urubus de Marcelo Gomes ou bien encore A Festa da Menina Morta de Matheus Nachtergaele, ou le documentaire Pro dia nascer feliz de João Jardim. C’est tout. Tous les films sont faits pour la classe moyenne qui va au shopping center. Le peuple ne va plus au cinéma, trop cher pour lui. Dans ce passé récent, à cause de la classe moyenne, la Globo est entrée financièrement dans le cinéma, avec la même guesthouse. Ils ont eu raison car c’est cette classe sociale qui va au cinéma dans les shopping centers, seulement pour leur divertissement (entretenimiento).

Nous ressentons une absence de risques des producteurs, dans nos conversations ici et là. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai et c’est grave. Ils veulent gagner de l’argent avant même d’avoir fait le film. Il faut gagner, pour eux, avant. Et avec cette politique qui permet aux entreprises de défalquer leurs impôts… Il faut changer la manière de faire des films au Brésil. Nous sommes sur le seuil d’un futur incertain. Les moyens techniques sont au point. On ne sait pas ce qui va venir.

Et à titre personnel, pourriez-vous nous rappeler les conditions de vos premiers pas en France ?
C’était dans la ville de Le Creusot, en 1960. À peine diplômé comme ingénieur à Rio de Janeiro, je suis venu travailler un an chez Schneider. Depuis lors, je suis venu et retourné tant de fois, à commencer par ma lune de miel…
* Augusto Boal e o Teatro do Oprimido. Mise en scène: Z. Viana. Chef-opérateur: Walter Carvalho, et musique signée Francis Hime. Filmé en digital. 105 minutes. 2010.
Ici, sa biographie, en portugais et publiée en 2011, disponible pour être copiée (filmographie et bibliographie complètes à partir de la page 326) :
http://aplauso.imprensaoficial.com.br/edicoes/12.0.813.800/12.0.813.800.pdf

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *