Sarra (1933-2012), « brasier du cinéma et de l’amour »
Il filmait depuis 1957 et scénarisait depuis 1952. Paulo Cezar Saraceni, « Sarra » pour ses amis proches, naquit à Rio de Janeiro, et vécut toujours là. Mais l’amitié, pour celui qui fut l’un des fondateurs du cinema novo, lui fit bien sûr oublier les frontières internes au Brésil. Ainsi, le meilleur ami de cet « homme à femmes » et séducteur invétéré ne pouvait être autre que le bahianais Glauber Rocha. Retour en trois temps sur cette amitié avec Bahia.
– Nuit du 6 juin 1981. Le père de Glauber, Adamastor Bráulio Silva Rocha, meurt à Rio de Janeiro, dans le quartier d’Ipanema, à l’hôtel Arpoador. Glauber appella alors « Sarra », vers deux heures du matin. Ce dernier rencontra la mère de Glauber très énervée, qui lui demanda de convaincre Glauber qu’il laisse retirer le corps du père de l’appartement, car les voisins le souhaitaient. Glauber expulsa alors tout le monde de la chambre du défunt, à l’exception de Sarra. Et demanda à l’ami cinéaste de raconter, à voix haute devant le cadavre, son dernier scénario écrit qui contait l’aventure de la « Coluna Prestes », qui fut la grande frustation de Adamastor, emprisonné dès le début de la révolte menée par Prestes et empêché de fait d’y participer. À l’écoute, « Glauber pleura et vibra avec le récit du scénario et seulement à la fin de celui-ci, il permit qu’on emmène le corps de son père », selon les paroles mêmes de Sarra.
– Août 1983. C’est Paulo Cezar Saraceni qui fut choisi, avec Leon Hirzman, pour filmer, à Rome, le documentaire relatant les shows triomphaux d’un groupe formé par Caetano Veloso, Dorival Caymmi, Naná Vasconcelos, Batatinha, João Gilberto, Gal Costa, Moraes Moreira, quasiment tous bahianais. « Bahia de todos os sambas » reste ainsi pour l’éternité cinématographico-musicale.
– À la fin de sa – courte – vie, Glauber Rocha aimait rappeler : « J’ai appris de multiples choses avec mes amis, mais Saraceni me conduisit au brasier du Cinéma et de l’Amour ».
La semaine dernière, lors de la très longue veillée funèbre, dans le splendide cadre du Parque Laje, pas un ou presque de la génération du cinema novo ne manquait. Au premier rang desquels le plus grand acteur brésilien vivant, Othon Bastos, qui déclara : « La seule chose que je peux dire en ce moment est que nous vivons avec lui. Et qu’il vécut avec nous. Nous avons eu des moments merveilleux. C’était un ami cher (belo amigo), un homme parfait, d’un grand esprit. Il laisse une oeuvre à étudier ».
* La Coluna Prestes fut une longue marche organisée, entre 1925 et 1927, par le militaire Luiz Carlos Prestes, formée de 1.500 militaires et civils, à travers les contrées intérieures du Brésil, qui appelait à la révolution contre le gouvernement fédéral.
(photos de Mônica Imbuzeiro et Droits Réservés).
Un metteur en scène, Ricardo Miranda, a tourné en 2007 un documentaire sur la trajectoire de Sarra: « A etnografia da amizade ». La filmographie de P. C. Saraceni, qui avait également publié sa formidable autobiographie en 1993, « Por Dentro do Cinema Novo », aux éditions Nova Fronteira, est ici:
http://pt.wikipedia.org/wiki/Paulo_C%C3%A9sar_Saraceni
http://blogs.estadao.com.br/luiz-zanin/morre-o-cineasta-paulo-cezar-saraceni-1933-2012/
Je laisse aux internautes prendre connaissance de la rencontre, en 1968 à Berlin, de Sarra avec « le plus grand des cinéastes », ici :
http://www.lafuriaumana.it/index.php/rapporto-confidenziale-joomla/451-samba-em-berlin-
Humberto Pereira da Silva, de São Paulo, le 25/4/2012 :
http://www.digestivocultural.com/colunistas/coluna.asp?codigo=3544&titulo=Paulo_Cesar_Saraceni_(1933-2012