Le Pelourinho, maison-monde hallucinée d’un alors
Ce film fut tourné entre 1979 et 1981, en 16 mm, par l’artiste plastique Miguel Rio Branco*, aidé par deux collaborateurs, au centre historique de Salvador. C’est un monde défait, d’une certaine manière, qui nous est montré, qui peut agresser le spectateur de 2013. Ce qui est filmé, en effet, cette tragédie, c’est une « porrada » selon l’artiste, mais qui possède une « suavité qui est brésilienne ». Il nous semble évident que seul un regard inquiet pouvait transcender, alors, ces « décrépitudes ». En voici la preuve :
(*) Le nom Rio Branco vient de José Maria Silva Paranhos Júnior (1845-1912), le Barão do Rio Branco, arrière-grand-père de l’artiste, et de son père, le Visconde do Rio Branco, José Maria da Silva Paranhos (1819-1880). La traduction de « Nada levarei quando morrer aqueles que me devem, cobrarei no inferno » peut s’entendre comme « À ma mort, je n’emporterais rien, mais en enfer je réclamerais mon dû à mes débiteurs »
Quelque chose, en sourdine, advient à chaque instant. Fantômes entre le sexe et la mort, fragments de séduction qui divaguent entre des mondes perdus. La sexualité est transparente, fuyante, et s’envole en fumée sous nos doigts. Comment définir cette sexualité en un lieu où le corps est tout, matériel et consommable? Et ici elle devient fanstasmagorique. Comme dans les contes japonais immémoriaux, il existe un autre monde, mais elle est ici, à nos côtés. Ces images deviennent passage du temps, immatérielles, hors d’une époque définie. L’intéressant dans la création, dans l’art, réside dans l’individualité réaffirmée de chacun. Ceci est de plus en plus difficile en un monde dominé par la propagande, la publicité, le marketing. Le portrait des créateurs apparaît de moins en moins à travers leurs œuvres. Tout est business, rien n’est personnel. Ici, en ce qui est vu, tout est personnel, vécu et senti. Tout est personnel. Ce sont des différences essentielles en ces temps d’aujourd’hui où l’image photographique devient de plus en plus distante de ce qui est montré. Mais en art ce qui doit être montré est l’âme et non le thème. Ici les thèmes se diluent et se métissent. Nous ne restons prisonniers d’un lieu ou d’un moment dans le temps, nous passons à une autre phase. Une phase qui nous conduit à un autre espace, un autre monde, une limbe. Pourtant, au fond, apparaissent des peaux, des doigts, des seins, des sexes, des habits, qui se transforment en masques, offrandes, lumières et sueurs bahianaises montrés par un japonais qui un jour vint à Salvador.
Nous avons publié à l’instant le commentaire qui précéde. Signé Isidro K Delgado, il n’est en fait que le copié/collé d’une préface en portugais signée Miguel Rio Branco.
Bien que la signature nous ait parue étrange, non identifiée et non identifiable, nous laissons volontairement ainsi le lecteur – et nous-même – dans la totale expectative et interrogation du pourquoi de ce commentaire « anonyme ».
Manière d’amplifier les mystères qui rôdent et font le quotidien de Bahia….
Cordialement.
Le blogueur Bahiaflãneur
13h22, samedi 9 février 2013
« L’original », ici :
http://www.bahiaflaneur.net/blog2/2012/02/hirosuke-kitamura-je-fais-une-photo-monocolore-plus-coloree.html